Les Lolcats, ces images de chats accompagnées de légendes humoristiques en anglais approximatif, représentent l’un des premiers phénomènes viraux d’Internet. Mais leurs origines sont plus anciennes qu’on pourrait le penser, remontant à des précurseurs du 19e siècle.
Les précurseurs historiques : Pointer et Whittier Frees
Bien avant l’ère d’Internet, deux photographes ont jeté les bases de ce qui deviendrait plus tard les Lolcats. Dans les années 1870, le photographe britannique Harry Pointer a créé une série de cartes de visite nommée « The Brighton Cats ». Ces photos mettaient en scène des chats dans des situations humaines comiques, accompagnées de légendes manuscrites. Sa collection d’environ 200 photographies de chats, souvent habillés ou dans des poses anthropomorphiques, est considérée comme l’une des premières tentatives de combiner humour félin et texte.
Quelques décennies plus tard, le photographe américain Harry Whittier Frees (1879-1953) a poussé le concept encore plus loin. À partir de 1906, il a créé des photographies élaborées de chats et autres animaux habillés en vêtements humains, placés dans des scènes du quotidien. Ses images, accompagnées de légendes humoristiques, étaient publiées dans des cartes postales, des livres pour enfants et des publicités. La ressemblance avec les Lolcats modernes est frappante : des animaux mignons dans des situations absurdes avec du texte humoristique.
Ces deux pionniers ont établi une tradition visuelle qui trouverait son aboutissement un siècle plus tard avec les Lolcats numériques.
Les premiers jours : 4chan et Caturday
L’histoire moderne des Lolcats remonte au milieu des années 2000, principalement sur le forum anonyme 4chan. C’est sur le tableau « /b/ » (random) que naquit la tradition du « Caturday ». Chaque samedi, les utilisateurs publiaient des photos de chats avec des légendes humoristiques écrites en « lolspeak », un anglais délibérément incorrect et enfantin.
Le terme « Lolcat » lui-même est une fusion de l’acronyme « LOL » (laughing out loud) et du mot « cat ». Ces images suivaient une formule simple : une photo d’un félin accompagnée d’une légende en caractères gras, généralement en police Impact, écrite dans un anglais grammaticalement incorrect.
I Can Has Cheezburger ? : La popularisation
Le tournant pour les Lolcats survint en janvier 2007, lorsque Eric Nakagawa et Kari Unebasami lancèrent le site « I Can Has Cheezburger? ». Ce site permettait aux utilisateurs de partager leurs Lolcats préférés, contribuant à populariser ce format auprès du grand public.
Le succès fut immédiat. En mai 2007, le site recevait déjà plus de 1,5 million de visites par jour. En septembre de la même année, il fut racheté pour 2 millions de dollars par Ben Huh, qui développa le réseau Cheezburger, un empire médiatique consacré aux mèmes internet.

Les LOLcats sont antérieurs à Internet. L’image de gauche a été prise par Harry Whittier Frees en 1905. Celle de droite est « Happy Cat », le premier LOLcat, datant de 2007.
Le « lolspeak » : Une nouvelle langue
L’un des aspects les plus intéressants des Lolcats est le développement du « lolspeak », cette forme d’anglais délibérément mal orthographié. Des phrases comme « I can has cheezburger? » ou « Ceiling cat is watching you » sont devenues emblématiques.
Ce langage particulier présente des caractéristiques récurrentes comme l’utilisation incorrecte des auxiliaires, des fautes d’orthographe intentionnelles et l’omission des articles. Des linguistes ont même noté que le lolspeak présentait une structure cohérente malgré son apparente incorrection, suggérant l’émergence d’un véritable dialecte internet.
Une langue fictive qui n’a pas empêché les internautes de se lancer dans un projet fou et coopératif : la traduction de la Bible en langue lolcat. Le résultat est lisible ici. Le site explique évidemment « comment parler lolcat« .
L’impact culturel des Lolcats
Les Lolcats ont transcendé leur statut de simple divertissement pour devenir un phénomène culturel grâce à leur accessibilité universelle, leur caractère participatif et leur aspect communautaire. Ils ont démontré le potentiel commercial des mèmes internet, ouvrant la voie à une économie basée sur les contenus viraux.
Postérité et héritage
Si l’âge d’or des Lolcats se situe entre 2007 et 2011, leur influence perdure dans la culture internet contemporaine. Ils ont posé les bases de nombreux phénomènes qui ont suivi, des vidéos virales de chats aux mèmes modernes. De plus, les Lolcats ont contribué à faire des chats les mascottes non officielles d’Internet, de Grumpy Cat à Nyan Cat.
Les Lolcats représentent une fascinante continuité historique, des photographies victoriennes de Harry Pointer aux forums anonymes des années 2000. Ce qui semble être un simple phénomène internet moderne s’inscrit en réalité dans une longue tradition d’anthropomorphisme félin et d’humour visuel.
Si aujourd’hui d’autres formats de mèmes ont pris le relais, l’héritage des Lolcats reste intact : ils nous rappellent qu’Internet, à son meilleur, est un espace de création collective, d’absurdité joyeuse et de chats. Beaucoup, beaucoup de chats.
« KTHXBYE », comme on aurait dit à l’époque des Lolcats.
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