Après plus d’un siècle d’hypothèses et de recherches, les scientifiques ont finalement percé le secret de la couleur rousse chez les chats domestiques. Cette découverte majeure, publiée récemment dans les revues scientifiques prestigieuses Science et Current Biology, révèle les mécanismes génétiques complexes qui donnent aux chats leur pelage orange si distinctif.

Les origines historiques de la recherche sur la génétique féline

Les premières observations scientifiques sur l’hérédité du pelage roux remontent aux années 1920, quand des généticiens pionniers comme William Bateson et Ruth Sinnott ont noté la distribution sexuelle inégale de cette coloration. Ces chercheurs ont établi les bases fondamentales en documentant que les mâles roux étaient de façon significative plus nombreux que les femelles, pointant vers une transmission liée au sexe qui intriguera les scientifiques pendant des générations.

L’identification du gène responsable : ARHGAP36

La percée scientifique la plus significative concerne l’identification du gène ARHGAP36, situé sur le chromosome X. Deux équipes de recherche indépendantes – l’une dirigée par le généticien Greg Barsh de l’Université Stanford aux États-Unis, l’autre par le professeur Hiroyuki Sasaki de l’Université de Kyushu au Japon -, utilisant des approches méthodologiques différentes mais complémentaires, qui sont parvenues aux mêmes conclusions révolutionnaires au printemps 2025.

Les chercheurs ont découvert que chez les chats à pelage roux, les cellules pigmentaires (mélanocytes) produisent treize fois plus d’ARN provenant du gène ARHGAP36 que chez les chats d’autres couleurs. Cette surproduction est due à une anomalie génétique particulière appelée « délétion » – une petite suppression dans l’ADN qui, paradoxalement, active ce gène de manière excessive.

Le mécanisme de pigmentation révélé

Contrairement aux attentes initiales des scientifiques, la couleur rousse ne résulte pas d’une mutation classique du gène lui-même, mais d’une régulation anormale de son expression. Le gène ARHGAP36 joue un rôle crucial dans l’activité des mélanocytes, les cellules responsables de la production de pigments.

Chez les chats roux, cette activation excessive du gène bloque la production de pigment noir (eumélanine) et favorise celle de phéomélanine, le pigment responsable des teintes chaudes orangées. Cette découverte confirme une théorie émise dès 1912 par le généticien américain Clarence Cook Little, qui avait déjà suspecté un lien avec les chromosomes X.

Pourquoi les mâles roux sont-ils plus nombreux ?

L’une des particularités les plus frappantes des chats roux est leur répartition par sexe : environ 80% des chats roux sont des mâles. Cette découverte récente explique enfin ce phénomène observé depuis longtemps.

Étant donné que le gène responsable se trouve sur le chromosome X, les mécanismes d’hérédité diffèrent selon le sexe :

  • Chez les mâles (XY) : Un seul chromosome X porteur de la mutation suffit pour produire un pelage entièrement roux
  • Chez les femelles (XX) : La mutation doit être présente sur les deux chromosomes X pour obtenir une robe entièrement rousse, ce qui est statistiquement beaucoup plus rare

Lorsqu’une femelle ne possède qu’un seul chromosome X muté, elle développe généralement une robe « calico » ou « écaille de tortue », mélangeant plusieurs couleurs selon l’activation aléatoire des chromosomes X dans différentes cellules.

Une anomalie génétique unique aux chats domestiques

Les recherches ont révélé que cette variation génétique particulière n’existe que chez les chats domestiques. Elle n’a été retrouvée chez aucun autre mammifère, y compris chez les félins sauvages qui sont à l’origine de nos chats domestiques. Cette spécificité suggère que la mutation est apparue relativement récemment dans l’histoire évolutive, probablement lors de la domestication.

Ces recherches permettent de mieux comprendre des phénomènes génétiques, et de saisir la complexité des interactions entre les gènes pour améliorer les recherches à venir. Leslie Lyons, généticienne féline à l’Université du Missouri, déclare au magazine Science : « Les recherches sur la couleur des chats ont révélé toutes sortes de phénomènes, y compris la façon dont l’environnement influence l’expression des gènes. Tout ce que vous devez savoir sur la génétique, vous pouvez l’apprendre de votre chat. » Une belle conclusion qui nous confirme donc que nous, humains, avons tout à apprendre des chats.