Ras-le-bol des lol-cats ? Le chat ne fait pas rire tout le monde. Au printemps 2020, Willy Schraen, président de la fédération nationale des chasseurs, déclarait « le chat est en train de détruire la biodiversité. […] Il tue bien plus d’animaux que les chasseurs, c’est même pas à comparer » et proposait de piéger nos chers minets… Quelques mois plus tard, 3 députés (dont un Europe Écologie Les Verts !) voulaient le classer comme « animal nuisible », estimant que « le chat entraîne la disparition d’espèces ». Mais pourquoi tant de haine ? Et s’attaque-t-on au véritable responsable ? 

Le chat, un coupable idéal

L’amendement visant à classer les chats comme des espèces dites « nuisibles » déposé par François-Michel Lambert (député Europe Écologie Les Verts des Bouches-du-Rhône), Frédérique Dumas (députée des Hauts-de-Seine) et Martine Wonner (députée du Bas-Rhin), aura finalement été déclaré comme irrecevable. Et heureusement, les conséquences auraient été particulièrement importantes : les préfets des différents départements français auraient pu « ordonner, le cas échéant, des battues administratives ».

Le chat, petit prédateur qui a tout d’un grand

Un carnivore taillé pour la chasse

Le chat a de nombreux atouts pour chasser. Il a une musculature puissante, des griffes acérées pour bondir ou grimper, un squelette souple pour se faufiler partout, une bonne vision crépusculaire, une ouïe fine pour les fréquences élevées, des moustaches orientables pour recueillir des données sur son environnement, et une denture tranchante de carnivore.

Chasser par instinct, pas pour se nourrir

Les chats domestiques consomment principalement des aliments d’origine humaine comme de la pâtée, des croquettes et des restes de table. Ils ont tendance à grignoter de petites portions tout au long de la journée. Le chat, même bien nourri, conserve son instinct de chasseur et ne consomme généralement pas les proies tuées. Un chat domestique consacre environ 3h par jour à la chasse, tandis qu’un chat errant chasse pendant 12h par jour. Une étude coordonnée par le MNHN en 2015, en collaboration avec la Société française d’étude et de protection des mammifères et la Ligue pour la protection des oiseaux, révèle que 66% des proies des chats domestiques sont de petits mammifères, surtout des rongeurs. Les oiseaux représentent 22% des proies, principalement des mésanges, des merles et des rouge-gorges. En dernier choix, les reptiles (10 %) et de manière anecdotique, des amphibiens, des insectes, des poissons, des araignées voire des gastéropodes.

Prédation du chat : quel impact sur la biodiversité ?

Impact de la prédation au niveau mondial

Une étude de Nature en 2013 affirme que les chats sont responsables de la mort de 1,3 à 4 milliards d’oiseaux et de 6,3 à 22,3 milliards de petits mammifères chaque année aux États-Unis. En Australie (où le chat a été introduit par les colons à la fin du 18e siècle), ils tuent 377 millions d’oiseaux et 649 millions de reptiles par an. Le pays a lancé une campagne pour éradiquer 2 millions de chats errants en 5 ans. Des résultats plus récents, publiés en 2019 dans Nature, mentionnent que 800 millions de mammifères sont tués chaque année par les chats errants. L’introduction des félins, surtout dans les îles, a entraîné la disparition de plusieurs espèces. Les opérations de régulation des chats errants sont fréquemment effectuées.

En France : impact sur une faune déjà vulnérable

Les résultats préliminaires de l’étude du MNHN indiquent que la prédation des chats, les captures volontaires par l’homme et les collisions avec les vitrages sont les trois principales causes de mortalité des oiseaux de jardin. La prédation sur les passereaux dans les zones pavillonnaires a fortement augmenté récemment en raison de la multiplication des chats domestiques. En France, leur nombre dépasse les 15 millions, sans compter les chats errants et harets dont on ignore le nombre. Ce problème est préoccupant car il affecte une petite faune déjà fragile en raison de la destruction de leurs habitats, de l’utilisation de pesticides et de l’expansion urbaine. De plus, la prolifération des chats domestiques menace une espèce de chat sauvage, le chat forestier. La pollution génétique chez le chat forestier, dû aux croisements avec des chats errants et sauvages, ainsi que la transmission de maladies inconnues, menacent sa survie.

Faut-il faire du chat un ennemi public ?

Les propriétaires de chats doivent réaliser que leur adorable animal de compagnie est un prédateur et que c’est à eux de trouver une solution. Il est important de rappeler qu’ils ont l’obligation de faire identifier leur chat et d’en assumer la responsabilité, même s’il s’est perdu ou échappé. Pour bien nourrir minou, proposez-lui une nourriture de qualité en libre-service et des jeux pour limiter ses instincts de chasseurs. La stérilisation est recommandée pour limiter les problèmes de vagabondage, de marquages territoriaux, de prolifération des chats et de maladies. Pour l’extérieur, on peut protéger les mangeoires pour oiseaux avec des barrières ou avec des plantes répulsives. On peut aussi fabriquer soi-même des répulsifs et des abris pour la petite faune. En combinant plusieurs moyens, on réduit l’impact de la prédation des chats. Par contre les colliers avec des clochettes pour rendre le chat plus visible sont à proscrire, mais nous y reviendrons dans un prochain article.

Les oiseaux disparaissent d’abord à cause de l’agriculture intensive, selon cette nouvelle étude

Une étude récente a comparé l’impact des différents secteurs responsables de leur disparition. L’agriculture intensive est responsable du déclin des populations d’oiseaux. Une étude récente montre que les exploitations agricoles en sont les principales responsables. Depuis quelques années, de nombreux rapports montrent une baisse de la démographie des volatiles. Selon National Geographic, en Europe, la population d’oiseaux a chuté de 17 % à 19 % depuis 1980, soit une disparition de 560 millions à 620 millions d’individus. La diminution de la population d’oiseaux était déjà connue, mais aucune étude n’avait combiné autant d’espèces sur une longue période à grande échelle, selon Stanislas Rigal, auteur de l’étude. L’équipe de chercheurs a réussi à rassembler tous ces critères pour la première fois grâce à une étude basée sur plus de trente-sept ans de données provenant de vingt mille sites répartis dans vingt-huit pays européens. Ils ont étudié 170 espèces d’oiseaux, y compris les passereaux.

Quatre secteurs étudiés, l’un d’entre eux sort du lot

Les scientifiques ont identifié quatre facteurs influençant la démographie des oiseaux : la couverture forestière, l’urbanisation, la hausse des températures et l’agriculture intensive. Pour évaluer leur impact, ils ont comparé les tendances annuelles de reproduction des espèces aux quatre critères sélectionnés. Résultat : l’agriculture est le plus dévastateur, surtout pour les oiseaux des milieux agricoles, mais les autres espèces en subissent également les conséquences. Leur disparition est due à la déstabilisation de la biodiversité, car les oiseaux dépendent principalement des insectes pour se nourrir. L’agriculture intensive détruit la biodiversité en abattant les forêts et les haies, habitats riches en vie, pour agrandir les cultures. De plus, l’utilisation de pesticides et insecticides tue les insectes, ce qui affecte l’alimentation des oiseaux, notamment pendant la reproduction et l’élevage des petits. La plupart des oiseaux communs d’Europe ont une courte espérance de vie (quelques années) et peu d’occasions de se reproduire. La répétition de ce cycle a conduit à la disparition des oiseaux, faisant de l’agriculture l’impact le plus dévastateur.

La couverture forestière et l’urbanisation en cause

Heureusement, l’Europe possède encore beaucoup de forêts, ce qui est bon pour nos passereaux. La préservation et la reforestation des espaces boisés leur offrent un abri sûr. Il s’agit d’une forêt secondaire, qui pousse sur une terre précédemment dominée par l’Homme. Bien qu’elles ne soient pas aussi idéales que les forêts primaires – restées intactes par l’activité humaine – elles offrent néanmoins des cachettes et de la nourriture aux oiseaux. Elles sont avantageuses pour l’espèce et l’urbanisation a un impact modéré. Si les habitats naturels des oiseaux sont détruits par l’urbanisation, certaines espèces nommées « cavernicoles » peuvent s’adapter et construire des nids sommaires dans les infractuosités urbaines avec peu de ressources nécessaires.

Le réchauffement, pas le premier coupable

« Cela est toutefois de plus en plus difficile sur les bâtiments modernes, où les aspérités pouvant servir de cachettes aux oiseaux manquent », temporise Stanislas Rigal. Ce besoin est encore plus urgent dans les villes qui font face au réchauffement et deviennent des îlots de chaleur. Malgré les problèmes environnementaux que cause la hausse des températures, elle n’est pas aussi destructrice pour les oiseaux qu’on pourrait le croire. En effet, si certaines espèces sont handicapées par le réchauffement, d’autres en bénéficient car ils sont adaptés à la chaleur, explique le principal auteur de la thèse. Selon lui, le changement climatique est déjà engagé et il est malheureusement trop tard. Alors que pour le milieu agricole, il est encore temps de changer la donne, estime le chercheur : « L’agriculture en elle-même peut évoluer sous l’influence de mesures et de lois. On ne pointe pas du doigt les agriculteurs, mais c’est le modèle qui est à repenser.»

Si les véritables raisons du déclin vertigineux des populations d’oiseaux sont diverses, elles sont toutes liées aux activités de l’Homme. La pollution, l’exploitation forestière, la chasse et l’urbanisation sont directement responsables de cette extinction de masse. Mais l’activité humaine détruisant le plus les oiseaux est l’intensification de l’agriculture, qui représente pas moins de 74% des espèces menacées. C’est cette suractivité et l’usage de pesticides sur les terrains cultivés qui font décliner le nombre d’oiseaux en Europe, pas les chats. Que le chat, soit considéré comme le premier prédateur de la biodiversité, soit ; par contre le véritable responsable de la destruction de cette dernière, c’est bien l’Homme.